Géopolitique des pays africains de langue officielle portugaise

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Notes pour le TD de L3, LCE Portugais + EO
Faire aussi la lecture d'Armelle Enders : Histoire de l'Afrique Lusophone, Ed. Chandeigne, Paris, 1994 (seul ouvrage à lire).

La géopolitique

Définition

La géopolitique est une discipline qui étudie les relations entre l'espace géographique et la politique, les influences des réalités géographiques sur les organisations sociales et les choix politiques. Elle se compose de politique, d'histoire, de géographie, d'économie, de sociologie, etc.

Considérations sur l'histoire et la pré-histoire de l'Afrique

Généralités

L'histoire du continent africain est récente et présente encore des lacunes. Pendant très longtemps, tout se résumait à l'égyptologie, l'islamologie et l'histoire coloniale.

La pierre de Rosette, découverte en 1799, a permis de lire la langue de l'Égypte, et ça a été une avancée considérable.

Ce n'est que très récemment qu'on a commencé à déchiffrer le méroïtique, la langue de Méroé, une autre civilisation de l'antiquité, sur les rives du Nil, dans le Soudan actuel 1)

L'utilisation scientifique des sources orales est récente.

L'archéologie continue de révéler des éléments du passé, en interdisciplinarité avec la botanique, la zoologie, et d'autres disciplines variées.

On sait que le continent a vécu des périodes très différentes de la période actuelle, notamment du point de vue climatique. On ne doit pas penser l'Afrique antique avec les éléments contemporains. Et on ne peut pas non plus évaluer les situations actuelles à la lumière d'un passé mythique, idéalisé, supposé.

Le Nord du continent a reçu, il y a 12 siècles, l'influence profonde de l'Islam.

Les mouvements des populations bantuphones ont été considérables.

Il n'y a pas de classification uniforme pour l'Afrique. Il y a des Afriques, bien qu'il y ait eu métissage pendant toute son histoire.

L'amharique, langue écrite authentiquement africaine, va contre le préjugé d'une tradition orale généralisée.

En Angola, les peuples Khoi et San vivent depuis 25 000 avant J.C. A partir de 7000 A.C., les premiers peuples sédentaires se sont établis près des rives du fleuve Kongo. Vers 800 A.C. sont arrivés les peuples bantu, avec une affluence plus grande entre les années 1500 et 1300 A.C., au moment où des sociétés centralisées émergent. Les peuples primitifs du Mozambique ont été les Bochimans (Khoi-San). Entre les années 200 et 300 après J.C., de grandes migrations bantu se sont produites, venues de la région des Grands Lacs au Nord. A la fin du 6e siècle, ont surgi dans les zones littorales les premiers entrepôts commerciaux des Swahilarabes qui recherchaient des produits venant de l'intérieur du continent.

La préhistoire la plus longue

12776_10151328243648420_1293282923_n.jpg La préhistoire de l'Afrique commence il y a 3 millions d'années. De nombreuses découvertes sur cette préhistoire ont été faites dans les dernières décennies. On pense à Lucy, squelette découvert par le paléontologue Yves Coppens.

Il y encore des mystères à dévoiler en ce qui conserve le passé de l'Afrique. Par exemple le cyclope mozambicain, le Minepa, est troublant par sa ressemblance avec le personnage d'Homère : s'agit-il d'une coïncidence ou d'une parenté ?

La préhistoire de l'Afrique est, jusqu'aujourd'hui, le préhistoire de l'humanité. L'humanité a commencé dans l'Afrique Orientale et Australe dans les paysages de savane, et sous un climat plus humide que le climat actuel.

On considère que le feu est attesté depuis environ 200 000 ans (donc plus tardivement qu'en Europe ou en Asie).

Il y a un continuum avec plusieurs espèces intermédiaires jusqu'à l'apparition de l'homo sapiens.

9000-7500 : néolithique ancien au Sahara

7500-4500 : néolithique moyen

5000-2000 : économies de production, domestication de l'igname, élevage de bétail, culture de céréales, chasse, pêche, cueillette, poterie (depuis 7000 dans le centre du Sahara).

Il se produit une aridification vers 4000, et la formation de noyaux cohérents de populations dans certaines régions riches en eau (Le Nil, le lac Victoria, la callée du Limpopo,…).

L'Égypte, nous devons l'imaginer avec certaines dynasties de pharaons noirs, et nous rappeler la forte hellénisation de l'Égypte.

La christianisation a commencé par l'Égypte, Méroé, après le 5e siècle. L'islamisation et les confréries musulmanes ont suivi.

Occupation pendant le premier millénaire avant Jésus Christ de l'Afrique septentrionale par les Berbérophones. Les Arabophones sont venus après.

Production de fer dans la vallée du Limpopo jusqu'à la province actuelle de Natal pendant le 4e siècle. Introduction de plantes asiatiques : le riz et les bananes, par l'océan Indien à la même époque, ainsi que du zébu.

Importance des Yoruba depuis le 4e siècle avec le centre d'Ife.

Depuis le 8e siècle, le commerce des esclaves vers la Chine et la Perse est connu. Le swahili nait à partir des langues bantu, de l'arabe et de la langue de la Perse.

Migrations des peuples bantu du sud du Sahara jusqu'aux Grands Lacs.

Royaume et empires pré-coloniaux

Carte de l'Afrique ancienne (cliquez sur la carte pour l'agrandir)

Les royaumes anciens ont connu des cycles de conquêtes et de décadences.

Les structures politiques : le soba ou chef traditionnel (avec une aire de juridiction qui est le sobado ; le royaume ou le royaume vassal ; l'empire.

La formation du Zimbabwé date de 700, la fondation de l'empire du Monomotapa (Mutapa sur la carte), de 1200. Son empereur Gungunhana a été le dernier. La fondation du royaume du Kongo a eu lieu en 1240.

Le royaume du Kongo est le mieux connu de tous grâce aux contacts européens à partir du 15e siècle. Georges Balandier et Willy Bal ont fait des recherches sur le royaume Kongo. Son roi s'apopelait le Manicongo, sa capital était Mbanza Kongo (au Nord de l'Angola actuel). C'est Ngola, titre des rois du Ndongo (du 14e au 17e siècle), qui donnera le nom de l'Angola.

Le roi s'appelle le Manicongo, la capitale est Mbanza Kongo (dans le Nord de l'Angola actuel).

Le royaume Luba a été fondé, lui, en 1420, puis il est passé de royaume à empire, selon le cycle typique. L'empire des Baluba correspond à la région du Katanga central, l'actuel Shaba, en République Démocratique du Congo (RDC). Des luttes fratricides ont marqué le début du royaume Luba jusqu'à son apogée qui se situe à la fin du 17e siècle avec le règne de Kumwimbu Ngombe qui en porta les limites jusqu'aux rives du lac Tanganika.

Nous ne disposons pas de beaucoup d'informations sur l'histoire des Baluba, mais l'extension de leur langue et de leurs coutumes est un élément remarquable au Shaba et en Zambie. Aujourd'hui, le Tshiluba est une des quatre langues véhiculaires du Congo.

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Muatiânvua (Mwata Yav, Mwant Yav ou Mwant Yamvo) est le nom qui désignait l'empereur des Balunda, un autre peuple. Il est resté dans la mémoire collective comme un excellent administrateur et un grand chef de guerre. Le rôle des relations commerciales avec les Balunda est considérable. L'empire est la plaque tournante de toute une région s'étendant sur 2800 km, reliant le commerce portugais et le commerce arabe. On en exportait de l'ivoire et du cuivre, et des esclaves, et on y importait des armes à feu, et des tissus, entre autres marchandises. Le royaume puis l'empire Lunda (peut-être à partir du 16e siècle) occupait l'actuelle région du Shaba, de l'Angola oriental, et du Nord de la Zambie. C'était une confédération de peuples de langues bantu. Les dernières résistances à l'occupation coloniale datent de 1909. L'empire Lunda est aujourd'hui un véritable mythe dont s'inspire la littérature angolaise (Exemple : Lueji, de Pepetela).

On peut aussi citer l'empire Zulu, avec son chef Chaka Zulu, qui est passé de tribu à empire pendant le 18e siècle, ce qui est relativement récent. Au début du 20e siècle, les empires suivants existaient encore : Kuba, Luba, Lunda, Zulu.

Le Portugal à la conquête de l'Afrique

Les portugais et l'Afrique

A l'époque qui précède les grandes navigations, on vit dans un monde inconnu où les imaginations ont le champ libre. La légende du prêtre Jean, par exemple, a marqué les esprits et a joué un rôle dans les conquêtes, par l'appel de la richesse. Une carte avait même été publiée à Vienne en 1185, le donnant comme “Grand seigneur de toutes les Indes”. C'est une légende qui est liée aux légendes du Roi Arthur et de la Table Ronde, à Perceval, à la recherche du Saint Graal et au paradis perdu de Shambala. Toutes ces histoires ont des versions écrites entre le 10e et le 14e siècle, à l'époque de la splendeur des idées chevaleresques en Europe. Les Portugais vont donc à la recherche du royaume de ce personnage fabuleux qu'est le prêtre Jean, un royaume chrétien qui se serait situé vers les sources du Nil et aurait été d'une richesse également fabuleuse, à quoi s'ajoute l'argument que le prêtre Jean aurait été un allié contre les Musulmans. Vasco de Gama était porteur d'une lettre pour le Prêtre Jean.

L'arrivée d'Européens en Afrique a modifié profondément les conditions de vie sur le continent, du littoral jusqu'à l'intérieur, bien que les Européens soient restés sur le littoral en y fixant des établissements commerciaux, les comptoirs, ou factoreries. A l'intérieur, se tenaient des foires, et quelques places fortes ont été construites. Le commerce se faisait avec les “pombeiros” ou “pumbeiros” (du toponyme Mpumbu, où se tenait une foire), les “aviantes” et les “aviados”. C'est ainsi que s'explique la présence d'un vocabulaire d'origine portugaise dans de très nombreuses langues de l'intérieur de l'Afrique Australe. Exemple : palata, de prata, argent (le métal). Le voyage d'un pombeiro 2), Pedro João Baptista, de 1802 à 1811 entre Mucari et Tete, nous est un document précieux pour connaître ce commerce.

Sur la côte orientale de l'Afrique, des villes avaient déjà été construites par les commerçants arabes : Sofala, Angoche, Mozambique, Mombaça, Malindi, Mogadiscio. Certaines de ces villes sont citées dans Les Lusiades de Camões. Le commerce repose principalement sur la vente d'esclaves, mais on achète aussi de l'or, de l'ivoire, contre des chevaux, du blé, des tissus, des perles de verroterie, etc.

Les Portugais ont créé un empire commercial, un réseau mondial dont le siège est à Lisbonne. L'Afrique fait partie de cet empire comme pourvoyeuse d'esclaves. Entre 7000 et 8000 esclaves arrivent chaque année à Lisbonne au début du 16e siècle. En 1551, ils représentent 10 % de la population de Lisbonne qui est de 100 000 habitants. L'Algarve à cette époque a la même proportion d'esclaves. Les esclaves sont présents aussi à Madeira et aux Açores.

Les lançados (ou tangomaus), sont abandonnés sur certains points de la côte et récupérés quelques années plus tard. Leur mission est d'apprendre les langues et de tisser des liens avec les chefs locaux. D'autres aventuriers font alors concurrence aux lançados.

L'encerclement de l'Afrique par les Portugais a eu des conséquences importantes :

  • le peuplement du Cap-Vert et de São Tomé, et la création de comptoirs et d'autres noyaux de créolisation, ces points constituant une sorte d'archipel que Mário António 3) appelait les “îles créoles” ;
  • la saignée produite dans les population par le commerce des esclaves qui a augmenté considérablement à partir du 16e siècle ;
  • l'introduction en Afrique de plantes d'Amérique : manioc, maïs, tomate, pomme de terre, haricot.

Chronologie

C'est en 1415, avec la prise de Céuta, que commence la conquête de l'Afrique, et aussi la période de l'histoire qu'on connaît sous le nom de “Grandes Découvertes”. Le roi du Portugal est alors Jean 1er (Dom João 1°). Le Portugal n'a même pas un million d'habitants à cette époque.

Le 25 juillet 1415, partait de Lisbonne une flotte de plus de 200 navires transportant 20 000 marins, soldats, palefreniers et piétaille, ne connaissant pas le but de l'expédition. Il n'y a que Jean 1er, les Infants, et le Conseil qui connaissaient l'objectif, Ceuta, la clé de la Méditerranée et le principal port commercial du royaume de Fez. Il s'agit plus de s'enrichir que de lutter contre les Maures.

De 1434 à 1460 : le Portugais Gil Eanes atteint le Cap Bojador en 1434 et les navire portugais atteindront l'actuelle Sierra Leone en 1460.

Les Portugais ont alors le monopole commercial de la région de Guinée (plus vaste que la Guinée d'aujourd'hui). Pour faire la preuve de leurs “découvertes” et comme symbole de leur foi, le roi Jean II a fait remplacer les croix de bois (qui se réduisaient parfois à des inscriptions sur des arbres) par des amers (padrões) : des colonnes de pierre surmontées d'un croix et portant des inscriptions en portugais, en latin et en arabe.

1443: première factorerie dans l'île d'Arguin, île de la côte occidentale africaine, près de la Mauritanie actuelle

1454 : les Portugais arrivent sur les îles du Cap-Vert

1475 : les Portugais arrivent à São Tomé

1482 : construction du Fort de Saint Georges de Mina, au Ghana actuel (actuellement Elmina), qui marque la première tentative d'occupation portugaise en Afrique. Construit avec le prétete de répandre le christianisme en Afrique, son véritable objectif était de garanti l'écoulement de l'or qui venait des régions aurifères de l'intérieur. Elmina a été le premier entrepôt d'esclaves de l'ère moderne et le pôle à partir duquel les royaumes du Bénin et du Dahomey ont été anéantis. Les premiers esclaves amenés au Brésil en 1533 venaient d'Elmina.

1483: Diogo Cão arrive dans l'embouchure du fleuve Congo. Il atteint l'Angola à Cabo Lobo.

1487: Bartolomeu Dias et Pêro da Covilhã partent de Lisboa

1493 : São Tomé devient une étape commerciale

1494 : Le traité de Tordesillas fait que le monde portugais contient l'Afrique entière

1495 : début du règne de Manuel 1er au Portugal

1497 : départ de Vasco de Gama, le 25 décembre, il atteint l'actuel province de Natal, en Afrique du Sud, en mars 1498 il est à l'île de Mozambique, et en mai à Calcutta en Inde

Le commerce des esclaves (Les traites)

“En 28 avant J.-C., il y avait en Italie trois millions d'esclaves pour une population libre de quatre millions de personnes.”4)
Il est important de prendre en compte le regard actuel des historiens sur ce grand drame de l'humanité, dont l'Afrique a particulièrement souffert, d'abord parce qu'il est à craindre que nous en ayons des idées fausses, et ensuite parce que c'est une période souvent évoquée en Afrique et qui sert abusivement d'explication pour les maux d'aujourd'hui, au même titre que la colonisation.

En plus du trafic atlantique, le plus connu, auquel ont participé activement les Portugais, trois autres trafics négriers ont existé : celui du Nord de l'Afrique5), le trafic interne, et le trafic oriental.

Le bilan des historiens le plus récent (en nombre de victimes) pour les quatre trafics est le suivant :

  • interne, 14 millions
  • transsaharien, 17 millions
  • orientale, du 9e siècle au 19e avec 4 millions
  • atlantique, 2e moitié du 15e siècle jusqu'en 1870, 13 millions

L'expansion portugaise est indissociable de l'esclavage et de la traite. Le mobile n'aura pas été la diffusion du christianisme, ni même l'or ou l'ivoire, mais bien les esclaves. Ils étaient la main d'œuvre qui générait la richesse.

Au 15e siècle, les esclaves se destinaient surtout au Portugal, ou aux exploitations de canne à sucre de Madère, mais aussi à être vendu à l'Espagne. Des marchés d'esclaves se sont établis à Lisbonne, à Alcacer do Sal, et à Lagos, au Portugal. En Algarve, en 1544, la première compagnie pour le trafic est fondée. Tout au long de la côte occidentale de l'Afrique, des factoreries sont créées, dont la principale activité était ce trafic : Arguin, Mina, Cacheu, et São Tomé. Les points d'embarquement préférés des Portugais se concentrent surtout sur la côte occidentale de l'Afrique, et spécialement sur la côte de Guinée, celles de Loango, Ngoyo, et Kalongo (Actuelle enclave de Cabinda), mais aussi dans l'Angola actuelle, Soyo, São Paulo de Assumpção de Luanda (actuelle Luanda) et Benguela.

Au 16e siècle, le trafic augmente pour satisfaire les “besoins” du pays, la colonisation du Brésil, les exploitations de São Tomé, mais aussi les besoins de l'Espagne et de ses possessions en Amérique. Les Portugais fonctionnent à ce moment-là comme les négriers de l'Espagne, activité qu'ils ont exercé de façon légale (monopoliste), ou illégale (contrebande) jusqu'à l'abolition de l'esclavage6) (lire la note pour comprendre la difficulté d'indiquer telle ou telle année pour la fin de l'esclavage). Voir aussi cette chronologie

La période d'occupation du Portugal par l'Espagne (1580-1640) a été particulièrement avantageuse pour les négriers portugais. Entre 1595 et 1640, ils réussissent à garder l'exclusivité pour fournir en esclaves les possessions de la couronne espagnole en Amérique. De 4000 à 5000 esclaves étaient vendus chaque année, ce qui donne un total de 150 000 pour la période.

L'église elle-même participait activement à ce commerce, particulièrement par l'intermédiaire des ordres religieux engagés dans l'évangélisation. Les Dominicains et les Jésuites se sont distingués dans ce trafic. La compagnie de Jésus, par exemple, possédait des navires destinés au transport des esclaves angolais vers le Brésil.

A la fin du 17e siècle, les Portugais créent une autre importante factorerie au Dahomey (Bénin), à Ajuda, témoin de la vigueur de ce commerce florissant et très actif jusqu'au milieu du 19e siècle (cf. Le roman Nação Crioula, de l'angolais José Eduardo Agualusa). Au 19e, le commerce portugais est bien implanté au Mozambique, des dizaines de milliers d'esclaves sortiront du Mozambique pour Cuba, le Brésil, et São Tomé.

L'exploitation de la main d'œuvre africaine continuera après l'abolition de l'esclavage. Le travail forcé sera établi. A noter aussi l'approvisionnement des mines d'Afrique du Sud et de Rhodésie en travailleurs mozambicains par le Portugal (Magaíças).

La colonisation et le peuplement

En matière de colonisation et de peuplement, l'histoire s'est déroulée en Afrique de façon très différente de ce qui est arrivé au Brésil. Les Portugais n'ont pas colonisé l'Afrique avant le 20e siècle, alors qu'ils ont colonisé le Brésil dès les premières années du 16e siècle.

Le Portugal envoyait des déportés dans ses territoires signalés par les amers : des Juifs en 1493 iront ainsi à São Tomé ; des condamnés, des prisonniers politiques, des émigrants iront ainsi un peu partout.

Vers 1550, 150 000 Portugais résident en dehors du Portugal, quelque part dans l'“empire”.

L'économie esclavagiste est dominante dans les îles de l'Atlantique : Madère, Açores, Cap-Vert, São Tomé. On cultive la canne à sucre à Madère au Cap-Vert et à São Tomé. Les Européens ne se sont installés que dans les îles et sur le littoral, jamais vraiment à l'intérieur de terres contrairement à ce qui se passait au Brésil. C'est pour cette raison qu'on ne peut pas parle de colonisation avant le 20e siècle pour ce qui concerne l'Angola et 19e pour le Mozambique. René Pélissier, historien français spécialiste des PALOP, dit que parler de “500 ans de colonisation” est une escroquerie. C'est pourtant ce qu'on dit et écrit souvent en Angola par exemple.

La présence européenne n'a augmenté rapidement qu'au 20e siècle, atteignant 400 000 en Angola en 1974, 200 000 au Mozambique. Elle a diminué brutalement au moment des indépendances, et 5 % des Européens seulement sont restés. Il n'y aurait pas eu plus de 80 000 métis en Angola et aujourd'hui la population angolaise connaît un phénomène de noircissement (qui s'oppose au blanchiment que connaît le Brésil), pour des raisons sociologiques.

Des années 1940 jusqu’en 1974, les PALOP et particulièrement l'Angola et le Mozambique deviennent des destinations d'émigration pour les Portugais pauvres et souvent analphabètes. Il s'agit, en Angola par exemple, d'une population différente des européens qui vivaient déjà dans ce pays avant ces arrivée massives. Des transformations sociologiques s'opèrent qui auront pour résultat de faire disparaître presque totalement de la classe moyenne les Angolais noirs.

Les autres grands colonisateurs ont été la France et le Royaume Uni. Mais aussi, pour une moindre part, l'Allemagne et l'Italie.

L'Afrique et les pays colonisateurs7)

Les frontières

Le mythe du partage de l'Afrique à Berlin en 1885

La conférence de Berlin s'est réalisée du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, entre 14 grandes puissances : les États-Unis, la France, l'Allemagne, le Portugal, l'Espagne, la Belgique, la Hollande, le Royaume Uni, l'Italie, le Danemark, la Suède-Norvège, l'Autriche-Hongrie, la Russie, la Turquie (l'empire Ottoman).
Cette conférence a été proposée par la Portugal et organisée à Berlin par le chancelier allemand Otto von Bismark. Il s'agissait de clarifier les domaines coloniaux européens sur le continent africain. Il ne s'agissait pas de se partager le continent, mais de limiter les futurs conflits à des négociations diplomatiques. La conférence a confirmé l'interdiction du trafic négrier que les participants avait déjà abandonné. L'Allemagne et la Hollande ont réussi à ce que la vente d'alcool aux indigènes ne soit pas interdite.

Quand la conférence a été inaugurée, 80% du continent africain se trouvait encore sous le contrôle de pouvoirs locaux. A la fin du 19esiècle, il n'y avait de souveraineté étrangère en Afrique que sur quelques points de la côte angolaise et mozambicaine, sous domination portugaise, en Gambie Britannique, et au Sénégal français : il s'agissait de lieux de commerce et de places fortes, et autres forteresses.

Les pays réunis à Berlin ont divisé le continent en 50 “nations” géométriquement irrégulières, regroupant dans un même espace des ethnies différentes par leurs traditions, leurs cultures, leurs langues, leurs religions, et coupants en deux des territoires homogènes de ces points de vue. Les décisions ont été prises sans aucune considération pour des critères démographiques, et sans la moindre consultation des peuples concernés.

La conférence s'est accordée sur l'obligation de fournir aux territoires occupés par diverses puissances sur le littoral « l'existence d'une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis » et « la liberté du commerce et du transit ». Seule l'occupation effective pouvait alors justifier le droit à la conquête. L'année 1885 a donc été le point de départ des incursions dans l'hinterland. Berlin a accéléré la partage de ce point de vue.

Explorateurs

La fin du 19e siècle est celle des explorations du continent par des explorateurs européens qui suivaient en grande partie les chemins des pombeiros :

  • Como eu atravessei a África(Comment j'ai traversé l'Afrique), Voyage de Serpa Pinto de novembre 1877 à mars 1878 de Benguela à la région de Bié.
  • Silva Porto a été commerçant et explorateur à l'intérieur de l'Angola et a fourni des informations aux autres explorateurs.
  • De Angola à Contracosta, (De l'Angola à la côte orientale), Hermenegildo Capelo et Roberto Ivens, voyage en 1884 et 1885.
  • Henry Stanley et David Livingstone, se rencontrent en 1871 (célèbres explorateur et journaliste anglais).

Carte Rose

Le Portugal a présenté un projet pendant la conférence de Berlin : la Carte Rose (o Mapa Cor-de-Rosa), qui consistait à réunir l'Angola et le Mozambique, et à faciliter leur commerce. L'Angleterre a été la seule à refuser, et a finalement menacé le Portugal par un ultimatum en 1890. Devant une menace de guerre le Portugal a dû abandonner son projet, ce qui a représenté un véritable traumatisme pour le peuple portugais.

sin_20t_c3_adtulo-4_20copia.jpgAvant et après la “carte rose”

La question des frontières est typiquement géopolitique. Pour le continent africain, il ne convient pas de penser avec la même notion de frontière que nous avons aujourd'hui en Europe. Aujourd'hui encore en Afrique, des millions de personnes traversent les frontières sans le moindre contrôle sous l'effet des grands événements climatiques ou politico-militaires. Le HCR de l'ONU travaille principalement en Afrique.

On ne doit pas considérer non plus que le cas des frontières africaines, aussi révoltant soit-il, soit particulièrement exceptionnel dans le monde. Les exemples sont nombreux en Europe de peuples coupés en deux par une frontière : les Basques, les Catalans, etc. Mais quoi qu'il en soit, l'intervention européenne en Afrique à la conférence de Berlin a compromis le développement des peuples africains, en créant des tensions sociales qui durent encore aujourd'hui.

Aujourd'hui en Angola, par exemple, deux peuples seulement sont entièrement angolais, les huit autres sont divisés par les frontières.

Cabinda

Comme exemple des nombreux traités signés avant, pendant et après la conférence de Berlin, le 1er février 1885, le traité de Simulambuco (nom de lieu au Cabinda), signé entre le Portugal et les autorités autochtones cabindaises, plaçait le territoire de Cabinda, une ancienne province du royaume du Kongo (qui n'a aujourd'hui des frontières qu'avec la République Populaire du Congo), sous la protection du Portugal pour éviter une annexion française. Selon le traité, Cabinda devenait un protectorat portugais pour 80 ans. Mais le Portugal viole lui-même le traité et considère en 1950 que Cabinda fait partie intégrante de l'Angola. Aujourd'hui, un mouvement issu de l'enclave angolais revendique son indépendance au nom du traité de Simulambuco, notamment par des actions que le gouvernement angolais réprime. Il s'ensuit une situation d'insécurité dans l'enclave. Les organisations cabindaises indépendentistes font connaître le texte du traité de Simulambuco.

Les indépendances

15 ans de retard

Les PALOP ont eu leur indépendance environ 15 ans après les colonies française ou britanniques :

  • Guinée-Bissau : l'indépendance a été unilatéralement proclamée le 24 septembre 1973, mais n'a été reconnue par le Portugal que le 10 septembre 1974. Amílcar Cabral, assassiné le 20 janvier 1973, a joué un grand rôle dans les indépendances des PALOP. Luís Cabral (PAIGC), son frère, est le premier président du pays ;
  • Mozambique : 25 juin 1975, Samora Machel (FRELIMO) est le premier président du pays ;
  • Cap-Vert : 5 juillet 1975, Aristides Pereira (PAIGC) est le premier président ;
  • São Tomé : 12 juillet 1975, Manuel Pinto da Costa (MLSTP) est le premier président ;
  • Angola : 11 novembre 1975, Agostinho Neto (MPLA) est le premier président.

La décolonisation

Une notion

La décolonisation des PALOP a été une période très courte qui va du 25 avril 1974 jusqu'aux dates de l'indépendance de chacun d'eux. Pendant cette période, le Portugal vivait des problèmes internes très importants. La décolonisation est le passage de colonie à pays indépendant : elle se fait donc entre la date de la décision partagée de l'indépendance et la date de l'indépendance elle-même. Il faut voir les films portugais “Capitaines d'Avril”, de Maria de Medeiros, et “Non, ou la vaine gloire de commander”, de Manoel de Oliveira, qui illustrent bien cette époque. Souvent, une acception plus large, et plus floue, est donnée à ce terme.

Les courants d'idées

Le panafricanisme

Le lusotopicalisme est souvent confondu avec un courant d'idée qu'il n'est pas. C'est une faculté supposée des Portugais à d'adapter sous les Tropiques, mot et concept créé par Gilberto Freyre, sociologue brésilien. Acceptée au départ, cette idée est bien sûr controversée. Elle a été utilisée par le fascisme portugais pour justifier sa présence en Afrique.

Le panafricanisme s'oppose idéalement à tout tribalisme. L'idée de panafricanisme a été lancée en 1885 par le Jamaïcain Garvey, peu après la conférence de Berlin. Le panafricanisme se veut être un mouvement de réhabilitation par l'égalité de droits et par l'indépendance économique et politique. L'idée s'est concrétisée à Paris en 1919 au moment du premier Congrès Panafricain, avec la revendication des droits des Noirs à disposer d'eux-mêmes, énoncés par le noir américain Burghard Du Bois, en hommage au sang versé par les Noirs africains et américains pendant la première guerre mondiale.

A son cinquième congrès (Manchester en 1945), le panafricanisme devient une arme pour la lutte pour l'indépendance. Pour mener à bien ce projet politique, le panafricanisme utilise, comme instrument et comme expression littéraire, la négritude, concept formé depuis 1935 par Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. La notion de négritude n'est pas seulement liée à l'Afrique, mais aussi aux États-Unis et aux Caraïbes. Des polémiques ont attaquées le concept de négritude, faisant dire par exemple à Wole Soyinka, prix Nobel nigérian de littérature : “le tigre ne proclame pas sa tigritude”.
“Selon Mário Pinto de Andrade, la négritude s’est exprimée pour la première fois, dans le monde africain de langue portugaise, en 1942, avec Francisco José Tenreiro dans le recueil intitulé Ilha de Nome Santo.” 8)
En 1957, la Côte de l'Or, aujourd'hui appelée Ghana, colonie britannique, est le premier pays africain qui devient indépendant. Rapidement, la pensée émancipatrice de Kwame Nkumah s'affirme au-delà des frontières du Ghana. En 1960, quelques mois après l'accession au pouvoir comme président de la république, il écrit : “le nationalisme africain ne se limite pas seulement à la Côte d'Or, aujourd'hui le Ghana. Dès maintenant il doit être un nationalisme panafricain et il faut que l'idéologie d'une conscience politique parmi les Africains, ainsi que leur émancipation, se répandent partout dans le continent ». Kwame Nkrumah est devenu rapidement impopulaire. Il se choisit plus tard le nome Osagyefo, le rédempteur, mais cependant il reste aujourd'hui la vision de ses ambitions panafricaines, la construction d'une unité africaine, dans un continent politiquement et économiquement maître de son destin.

Le premier ministre de la Tanzanie, Julius Kambarage Nyerere, fut lui aussi un des piliers du fédéralisme africain.

En 1963, s'est créée l'OUA (Organisation de l'Unité Africaine), qui est devenue aujourd'hui l'Unité Africaine (UA) sur le modèle de l'UE (Union Européenne). Grâce aux efforts d'Hailé Sélassié 1er(cf. Mouvement Rasta), d'Éthiopie, aussi à Abubakar Tafawa Balewa, premier ministre du Nigéria et à Sékou Touré, président de la Guinée Conakri, l'organisation de l'Unité Africaine est fondée le 25 mai 1963 par 30 états. A ce moment-là, les PALOP sont depuis 1962 des “estados” (Etats), mais ce n'est qu'une appellation trompeuse de la dictature portugaise, qui les avaient d'abord désignés comme des “colonies” puis comme des “provinces d'Outre-mer”. Au cours des années 50 et 60, des mouvements de libération naissent dans les PALOP et entrent progressivement dans la lutte armée contre le pouvoir colonial.

Les mouvements de libération

Créations

Les “Turras” contre les “Tugas”. L'armée portugaise appelait “turras” les nacionalistes, ce qui est une déformation du mot “terrorista”. Inversement, les Portugais étaient les “tugas” pour les nacionalistes.

La Maison des Étudiants de l'Empire (casa dos estudantes do Império) est à Lisbonne un lieu de rencontre des étudiants ds colonies où la plupart des futurs dirigeants des PALOP ont forgé leur pensée émancipatrice. Elle a existé à partir de 1944, était financée par le gouvernement portugais, et c'est là que ces étudiants disent avoir découvert la pauvreté de leur colonisateur et la brutalité de la dictature. La Casa dos Estudantes do Império devait aussi jouer un grand rôle dans la création et la diffusion de la littérature des PALOP.

1951 : Le Centre d'Études Africaines (Centro de Estudos Africanos) est fondé à Lisbonne par Amílcar Cabral, Agostinho Neto, Marcelino dos Santos, et Francisco José Tenreiro.

1956 : Le PAIGC est créé, Parti Africain pour l'Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, clandestin, et, peut-être avant, mais plutôt après (1959), la création en Angola du MPLA, Mouvement Populaire de Libération de l'Angola. Les historiens n'ont pas encore tranché la question de ces dates de création.

1957 : En Angola est créée l'UPNA, Union des Populations du Nord e l'Angola, qui s'appellera ensuite UPA, Union des Populations de l'Angola, avant de devenir définitivement le FNLA en 1962, Front National de Libération de l'Angola.

1962 : Création du Frelimo, Front National de Libération du Mozambique, par Eduardo Mondlane.

1966 : Création de l'Unita, Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola, par Jonas Malheiro Savimbi.

1976 : La Renamo, Résistance Nationale Mozambicaine, qui n'existe qu'après l'indépendance, entre en guerre contre le Frelimo.

Le début des luttes armées

  • 4 février 1961 : l'attaque des prisons de Luanda, et le massacre de populations dans le Nord de l'Angola le 15 mars 1961.
  • 1963 : En Guinée-Bissau, où il y avait déjà eu en 1959 à Bissau la rébellion des dockers du port, réprimée violemment.
  • 1964 : Au Mozambique, le Frelimo entre en guerre.
  • São Tomé e Príncipe : en 1953 une rébellion, le Batebá, avait été suivie d'une répression faisant un millier de morts, mais n'est pas considéré comme une lutte armée.
  • Rien au Cap-Vert.

Bandung

La ville de Bandung, sur l'île de Java, en Indonésie, a joué un rôle dans la fin de la colonisation et dans l'accélération des indépendances. En 1955, y a eu lieu une conférence regroupant 29 pays indépendants et 30 mouvements de libération, parmi lesquels des représentants de 6 pays d'Afrique : Ghana, Éthiopie, Libéria, Soudan, Somalie et Libye (mais aucun des Palops). La conférence de Bandung marque cependant l'entrée du “Tiers monde” sur la scène internationale, la conférence a condamné la colonisation et l'impérialisme en général.

Les situations géolinguistiques des PALOP

5 situations différentes

Les PALOP sont des sociétés plurilingues, bien que chacun d'eux présente une situation linguistique différente de celle des 4 autres.

Une langue peut avoir divers statuts ou être classée différemment : officielle, nationale (on appelle “nacional” une langue régionale dans les PALOP), régionale, , véhiculaire, vernaculaire, créole, pidgin, étrangère, bantu/ non bantu.

La proportion des habitants des PALOP qui parle le portugais comme langue maternelle est très variable d'un PALOP à l'autre : de 0 % à 50 %. Celle des habitants qui ont seulement des compétences pour communiquer en portugais aussi : de 5 % en Guinée-Bissau à plus de 90 % en Angola.

Guinée-Bissau

La Guinée-Bissau présente la plus grande diversité linguistique dans le plus petit espace. Si la langue officielle est bien le portugais, il ne serait parlé que par 5 % de la population, qui parle majoritairement le créole de Guinée-Bissau (kriôl) comme langue véhiculaire, en plus d'une vingtaine de langues africaines parmi lesquelles la balanta (27 %) , la Fula (22 %), le mandingue (12 %), la Nianjaco (11 %) et le papel (10 %).

Cap-Vert

La Cap-Vert offre, lui, la plus grande homogénéité puisque tous les habitants parlent le créole capverdien (kaboverdianu) et presque tous sont compétents en portugais. Toutes les chansons capverdiennes par exemple sont en créole.

São Tomé et Principe

En plus du portugais, connu de la majeure partie de la population, on parle à São Tomé et Principe d'autres langues : les créoles forro et lunguyé, le créole capverdien, et aussi l'angolar qui est une évolution du kimbundu parlé par les esclaves.

Mozambique

Au Mozambique, on trouve 10 grands groupes linguistiques : makonde, makua-lomwe, swahili, shona, shona-karanga, ronga-changana, etc. provenant du tronc commun des langues bantu. Environ 10 % de la population mozambicaine parle le portugais à la maison.

Angola

Si 10 % de la population mozambicaine parle le portugais chez eux, c'est déjà une situation exceptionnelle pour une langue européenne en Afrique, mais en Angola, on atteint des proportions qui dépasse la moitié de la population. C'est bien en Angola que le portugais est le plus parlé et c'est même en Angola qu'une langue européenne est la plus parlée en Afrique. C'est un cas unique sur le continent, et un désastre culturel pour les langues d'Angola. Le portugais est un langue vernaculaire en Angola.

Il y a deux grandes familles de langues en angola, les langues bantu et les langue Khoi-San, parlées par les peuples nomades du Sud, les Bochimans. Parmi les 10 familles de langues, 9 sont des familles bantu, parmi lesquelles on doit retenir : le kikongo, le kimbundu, l'umbundu, et le cokwe (prononcer Tchokwé).

La situation socio-politique des PALOP

Avant les indépendances

Les conditions de la colonisation et de la décolonisation portugaise en Afrique ont été différentes de celles de l'Angleterre ou de la France. Pour cette raison, une période difficile de réorganisation économique, sociale et politique a suivi les indépendances dans les PALOP.

La France a abandonné le travail forcé en 1947, quand le Portugal l'a prolongé jusqu'en 1962. Le travail forcé est connu sous le nom de “contrato” dans les PALOP.

En 1951, les colonies portugaises deviennent des provinces d'Outre-mer. Les statuts d'indigène et d'assimilé sont réaffirmés en 1951 et en 1954, dans une loi plus restrictive que la loi initiale de 1926. L'analphabétisme atteint des pourcentages élevés. Les élites africaines sont de plus en plus rares. Le métissage se raréfie aussi dans les dernières décennies.

Le style de la colonisation portugaise a évolué : d'abord très administratif avec des portugais dans le plus petit poste, des missionnaires, des administrateurs des ports, des employés de banque, etc., avant une politique d'immigration. A débarqué de la métropole une population nombreuse qui a occupé progressivement les postes occupés par les Noirs, et sont même entrés en conflit avec les rares Blancs intégrés depuis longtemps et fixés en Angola. Le gouvernement de Lisbonne affirmait alors sa vocation lusotropicaliste pour répondre aux accusations de racisme. Le slogan de l'Estado Novo était : “Le Portugal, un pays pluricontinental et multiracial”.

En dépit des événements graves de 1960 à 19649), le Portugal ne semble pas comprendre les vents de l'histoire, et ne prépare aucune classe moyenne africaine capable de lui garantir une adaptation de type néocolonial. Quand le Portugal décolonise, les autres pays africains sont indépendants depuis 15 ou 20 ans. C'est cette insistance portugaise qui a fait que trois PALOP ont eu à recourir à la lutte armée. Et c'est cette lutte armée, particulièrement celle de la Guinée-Bissau, qui a aidé le Portugal à se libérer de la dictature.

Les trois PALOP continentaux ont souffert de longues guerres de libération pendant la fin de la période coloniale : la lutte armée a commencé en 1961 en Angola, en 1963 en Guinée-Bissau, et en 1964 au Mozambique. Ces guerres se sont superposées à des divisions entre les peuples des PALOP, particulièrement en Angola, et les difficultés d'après l'indépendance ont été attribuées au colonialisme qui joue toujours le rôle commode de bouc émissaire. En même temps, ces guerres ont eu pour effet de contribuer à créer une identité nationale, dans la lutte commune, et elles ont contribué à diffuser largement la langue portugaise, davantage que les colons ne l'avaient fait. Le sentiment national et l'anticolonialisme se confondait, même chez les élites. Le parti unique et la nation semblaient aussi une seule et même réalité. Le tribalisme, déjà honteux par nature, a été combattu, mais a aussi servi de prétexte pour condamner des révoltes qui n'étaient que politiques. Il était cependant évident que certaines ethnies dominaient et dominent encore aujourd'hui dans les classes dirigeantes.

Comme réponse à la lutte armée, le Portugal parvient à mettre fin à la période archaïque de la colonisation en lançant tardivement une politique de modernisation, en 1965. Des investissements privés sont alors faits dans les PALOP, mais le budget du Portugal passant pour moitié dans la guerre, et comme il n'avait pas l'avance technologique nécessaire, les importations/exportations n'avaient rien de moderne : café, coton, sisal,… contre du blé, du vin, de l'huile d'olive,… Il y a eu une chute brutale de ces relations économiques en 1975 avec l'indépendance, ce qui n'était pas arrivé à la France pour le commerce avec ses ex-colonies. Et aujourd'hui les liens économiques restent faibles entre le Portugal et les PALOP. Ces derniers temps (après la crise de 2007), le Portugal se trouve dans une situation économique très difficile, et c'est l'Angola, avec sa croissance à deux chiffre, qui devient investisseur dans son ancien pays colonisateur.

Mouvements, régimes, partis

Dans la période qui a suivi l'indépendance, l'Angola et le Mozambique ont connu des régimes marxistes-léninistes et les autres PALOP étaient des “démocraties révolutionnaires”, mais tous étaient monopartistes. Des états bureaucratiques, dirigés par des partis se disant “ouvriers et paysans”, mais constitués d'intellectuels, relevaient du paradoxe, mais constituaient certainement une condition pour se maintenir au pouvoir.

L'Angola et le Mozambique ont fait partie du COMECON (Conseil d'assistance économique fondé en 1949 par l'URSS, au temps de Staline). Leurs guerres civiles peuvent s'expliquer par le contexte de la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS10) Il y a eu trois grandes périodes de guerre civile en Angola : 1975-1991, 1992-1996, et 1998-2002. Le Mozambique est en guerre civile entre 1977 et 1992. En 1994, le MPLA et l'UNITA signent en Zambie un accord de paix. Pas plus que les autres accords entre les belligérants, cet accord n'a été respecté. Pendant la guerre froide, l'UNITA a reçu l'aide des États-Unis, de la France, et de l'Afrique du Sud. Grâce à ses appuis, l'UNITA contrôlait les régions productrices de diamants tandis que le MPLA appuyé par les Soviétiques et Cuba était maître des zones riches en pétrole. Aujourd'hui, les guerres civiles sont terminées, au Mozambique en 1992 et en Angola en 2002. Le chef de l'UNITA a toujours été Jonas Savimbi, jusqu'à sa mort violente en 2002 (tué par balles).

Si les dix premières années d'indépendance constituent un véritable éloignement de l'ancienne métropole, les PALOP ont conservé le modèle social de la dictature portugaise : État fort et centralisé, une seule langue, un parti unique, et l'État contre premier acteur économique. Les cadres avaient été formés par l'ancien régime colonial pour une grande partie d'entre eux. Les élites des PALOP avaient été modelés par la colonisation portugaise. Et ils n'ont su que reproduire une dictature avec des orientations de gouvernements monopartistes. Comment expliquer que les dirigeants des PALOP, après avoir combattu la dictature, en aient reproduit les comportements ?

La recherche d'une unité nationale dans des pays (surtout les continentaux) qui n'en avaient pas au départ ont entraîné des choix autoritaires :

  • le choix unique de la langue portugaise comme langue officielle (tous)
  • la politique de nationalisation, sans forcément tout nationaliser parfois
  • la négation des sociétés rurales au Mozambique et en Guinée-Bissau
  • un parti unique nationaliste et nationalisateur, refusant la diversité politique, syndicale, culturelle, et ethnique

PAIGC, MPLA, Frelimo, et MLSTP ont formé la CONCP (Conférence des Organisations Nationalistes des Colonies Portugaises) dans les années 60, groupement qu'ils prolongent aujourd'hui de fait et qu'on appelle “Les Cinq”11). Tous les PALOP ont été dirigés par la CONCP jusqu'en 1991 (année de l'alternance au Cap-Vert et à São Tomé et Principe). Aujourd'hui, les mouvements du début de la CONCP sont tous revenus ou restés au pouvoir et cultivent des mythes fondateurs semblables.

Comme les autres pays d'Afrique, les PALOP sont entrés dans la globalisation et leurs “métropoles” sont devenues le FMI et la Banque Mondiale. Mais aujourd'hui, la situation évolue : la Chine par exemple a accordé des crédits à l'Angola, ce qui lui a permis de se libérer du regard gênant du FMI12).

Démocratie

Les gouvernements monopartistes du début de l'indépendance se sont progressivement déclaré en faveur du pluripartismes après la chute du mur de Berlin.

Relations avec le Portugal

L'Afrique a une grande importance dans l'identité nationale portugaise (Découvertes, colonies). Malgré tout, il a été difficile au Portugal de construire avec les PALOP une coopération active, sauf avec le Cap-Vert, par manque de moyens. Mais le Portugal a réussi à fonder la CPLP (Communauté des Pays de Langue Portugaise) en 1996 avec la réunion à Lisbonne du Brésil et des PALOP (depuis Timor-Est en fait partie aussi). La CPLP a une grande importance psychologique pour les Portugais : c'est ce qui reste de l'“empire”.

Parallèlement, le Mozambique est devenu membre du Commonwealth 13) et le Cap-Vert, São Tomé et la Guinée-Bissau se sont rapprochés de la Francophonie.

L'ouverture libérale d'aujourd'hui ne donne pas au Portugal un rôle prépondérant, malgré des liens culturel importants, notamment la langue. Les PALOP se sont ouverts progressivement au monde (ONG, aide internationale, coopération internationale, multinationales, grandes entreprises, etc.) même s'il y a dans cette évolution une dépendance néo-coloniale, ce qui est le cas de toute l'Afrique. Cependant les rôles semblent s'inverser depuis que l'Angola affiche une croissance à deux chiffres et que la crise économique touche profondément le Portugal.

Les gouvernements aujourd'hui

Aujourd'hui, les partis qui était au pouvoir au moment des indépendances sont tous au pouvoir dans les PALOP, soit qu'ils sont restés au pouvoir (Angola, Mozambique), ou qu'ils y sont revenus après une période dans l'opposition (Guiné-Bissau, Cap-Vert, São Tomé et Principe).

Angola

José Eduardo dos Santos a succédé à Agostinho Neto en 1979 et est toujours au pouvoir au nom du MPLA. Bien que président depuis plus de 30 ans, il n'a jamais été élu, sauf par le MPLA.

Cap-Vert

Jorge Carlos Fonseca, est actuellement chef de l'état de la République du Cap-Vert, depuis 2011. Son parti est le MPD, après 10 ans de présidence de Pedro Pires, PAICV.

  • 12 janvier 1991 : L'opposition accède au pouvoir en gagnant les législatives. Le MPD (Mouvement pour la démocratie) obtient 56 deputés sur 79. Le président du MPD, Carlos Veiga, est premier ministre.
  • 17 février 1991 : Première élection présidentielle pluraliste : élection de António Mascarenhas Monteiro (MPD).

Guiné-Bissau

Malam Bacai Sanhá, chef de l'état, du PAIGC, était au pouvoir depuis 2009 après l'assassinat de Bernardino Vieira, dont il avait fait l'intérim en 1999/2000 pendant la guerre civile. Il est mort en janvier 2012, de maladie, dans un hôpital français.
Manuel Serifo Nhamadjo assure l'intérim.

Mozambique

Armando Guebuza a été élu à la suite de Joaquim Chissano en 2004, et réélu en 2009, permettant ainsi au Frelimo de conserver le pouvoir qu'il détient depuis l'indépendance, malgré des élections libres en 1994 et plusieurs fois par la suite.

São Tomé et Principe

Manuel Pinto da Costa, du MLSTP, premier président de la République de São Tomé et Principe au moment de l'indépendance, est revenu au pouvoir à la suite d'élections en 2011. En 1991, il avait dû céder la place à l'opposition à la suite d'élections libres. Miguel Trovoada a été élu en 1991, le 3 mars. Le 20 janvier de la même année, le PCP (Parti de Convergence Démocratique) avait gagné les législatives contre le MLSTP.

Relations internationales et organisations internationales

L'UA

Les PALOP font partie de l'UA (Union Africaine : http://www.au.int/fr/). L'UA est l'ex-OUA. Elle a été crée en 2002. L'OUA avait été créée en 1963 (avec 32 états).

L'UA a 17 instances : Conférence de l'Union, Conseil exécutif, Parlement panafricain, Tribunal de justice, Commission, etc. (qui font penser à l'UE). 54 pays en sont membres, qui continuent ainsi les idéaux du panafricanisme.

Le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, de l'UA) est encore en phase d'organisation. Il y a en Afrique une nécessité que les pays travaillent ensemble, tant ils partagent les mêmes problèmes et sont interdépendants : plus de la moitié des Africains n'ont pas accès à l'eau potable, la mortalité infantile est la plus élevée du monde, l'espérance de vie la plus faible, la pauvreté touche les deux tiers de la population, l'analphabétisme des moins de 15 ans est de l'ordre de 40 %, les télécommunications sont peu développées,… Le NEPAD a pour finalité l'éradication de la pauvreté, et l'entrée dans la voie du développement soutenable. Voirhttp://www.nepad.org/fr/about.

Groupes régionaux

L'UEMOA (Guinée-Bissau)
C'est l'Union économique et monétaire ouest-africaine.
C'est une union douanière depuis l'année 2000.

La CEDEAO (Guinée-Bissau et Cap-Vert)
La CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) compte plus de pays que l'UEMOA et a l'objectif de créer un marché commun ouest-africain et une zone monétaire unique. Il y a déjà un passeport de la CEDEAO.

La SADC (Angola et Mozambique)
La SADC est la Communauté de développement d’Afrique australe. Elle compte 15 pays membres, mais les frontières n'y ont été abolie que partiellement et l'instauration de la zone de libre échange est en voie de réalisation.

Autre

La BAD (Banque africaine de développement)
La Banque africaine de développement a par exemple financé un projet de développement à São Tomé et Principe, portant sur la formation, l'enseignemnt primaire, l'alphabétisme, la santé, l'alimentation, et la protection de environnement.

La CPLP

Les PALOP font aussi partie de la Communauté des Pays de Langue Portugaise, CPLP.

Population des PALOP

articles_densite_villes_afrique.jpg

Luanda est la seule vraie grande ville des PALOP.

En millions d'habitants
(arrondi)
20002011
Angola1213
Cap-Vert0,50,5
Guinée-Bissau1,21,5
Mozambique2023
São Tomé et Principe0,150,16

Le continent africain compte aujourd'hui plus d'un milliard d'habitants, soit 15 % de la population mondiale.

Les problèmes généraux du développement

Du temps colonial jusqu'aux années 90, la situation politique mondiale était la guerre froide, avec les notions de pays sous-développés, de pays non-alignés, et de Tiers Monde.

On parle aujourd'hui de pays en voie de développement, mais des groupes de pays se forment au fur et à mesure des succès économiques, et de nouvelles expressions sont utilisées : BRIC, pays émergents, etc.

Quoi qu'il en soit, l'interdépendance est de plus en plus évidente entre tous les pays du monde.

Quelles conditions doivent être théoriquement réunies pour qu'un pays se développe ?

  • La démocratie, la décision au niveau des populations, les droits humains, la libre circulation, le droit d'expression : dans les PALOP, le Cap-Vert et São Tomé sont démocratiques de ce point de vue.
  • La paix, la sécurité, l'éloignement des menaces de guerre ;
  • L'éducation, la formation, l'alphabétisation, l'inclusion numérique ;
  • La santé, l'hygiène ;
  • Les transports, les routes, les voies de communications, les infrastructures en général, l'énergie, l'eau, les ports, les aéroports, les télécommunications, Internet ;
  • L'investissement, le capital disponible, le risque, l'endettement.

L'Internet dans les PALOP en 2012

PalopPourcentage d'utilisateurs d'Internet dans la population14)
Cap-Vert 28,8
São Tomé 17,3
Angola5,6
Mozambique 4,3
Guinée-Bissau2,3


Espérance de vie dans les Palop

Palopespérance de vie15)rang
Cape Verde 71.61 95
Sao Tome 68.32 116
Guinea-Bissau 47.90 177
Mozambique 41.18 185
Angola 38.20 188

Quelques auteurs et oeuvres pour mieux comprendre l'Afrique, lusophone ou non

Sur les PALOP

Sur toute l'Afrique

Sur l’empire colonial portugais

1)
Les découvertes récentes sur Méroé : http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/la_civilisation_de_meroe.asp
2)
BAPTISTA, Pedro João, 1811, “Relatórios do pombeiro Pedro João Baptista” in AMARAL, Ilídio do, e AMARAL, Ana, “A viagem dos pombeiros angolanos Pedro João Baptista e Amaro José entre Mucari (Angola) e Tete (Moçambique), em princípios do século XIX, ou a história da primeira travessia da África central” in Garcia de Orta, Série Geografia, n19 (1-2), 1984, pp.17-58
3)
M.A. Fernandes de Oliveira
4)
Jeremy Rifkin, Une nouvelle conscience pour un monde en crise, p. 217
5)
Voir La traite oubliée des négriers musulmans par Olivier Pétré-Grenouilleau, Professeur à l’université Bretagne-Sud (Lorient), L’HISTOIRE N°290 BIS SEPTEMBRE 2004 : « Entre le VIIe et le XIXe siècle, environ 17 millions d’Africains ont été razziés et vendus par des négriers musulmans. Un épisode aujourd’hui méconnu, resté tabou. Il s’agit pourtant du plus grand trafic d’hommes de l’histoire. »
6)
Au Portugal, par le décret du 29 avril 1858, la date du 29 avril 1878 est définitivement fixée pour l'abolition de l'esclavage. Cette date-limite sera anticipée par décret le 23 février 1869, établissant ainsi l'abolition complète de l'esclavage sur tous les territoires sous administration portugaise. Cependant, certains esclaves sont maintenus dans une situation de transition qui devait durer jusqu'en 1878, mais à laquelle Sá da Bandeira, un pair du royaume, a mis fin en 1876, le 2 février. Au Brésil, c'est la loi Aúrea qui accorde la liberté totale aux esclaves en 1888, le 13 mai.
9)
1960 : manifestation makonde réprimée au Nord du Mozambique
Fin de 1960 : révolte spontanée dans la Baixa de Cassange en Angola contre la culture forcée du coton
4 février 1961 : attaque des prisons de Luanda, simultanément au détournement du navire le Santa-Maria par Henrique Galvão en opposition à la dictature fasciste
15 mars 1961 : révolte dans le Nord de l'Angola
1961 : Goa est envahie et annexée par l'Inde
1963 : début de la lutte armée en Guinée-Bissau
1964 : début de la lutte armée au Mozambique
10)
Le Portugal est sorti formellement de l'Angola le 11 novembre 1975. Des soldats cubains ont aussitôt aidé le MPLA qui a pu ainsi maintenir son contrôle sur la capitale. Agostinho Neto, leader do MPLA, est proclamé président de la République Populaire d'Angola, de régime socialiste. L'UNITA déclare aussi l'indépendance mais à Huambo.
11)
“Os Cinco”
12)
Stephen SMITH, Atlas de l'Afrique, Éditions Autrement, 2009
13)
Le Mozambique en est l'unique membre non anglophone.