El Tema del Viaje en la Literatura

La poésie et les récits de voyage.

Saint Augustin écrivait : « La vie est un livre, et ce qui ne voyage pas n'en lisent qu'une seule page ».

En littérature, nous avons à notre disposition le genre poétique.
En effet les poètes ont été très inspirés par le thème du voyage :
le voyage en tant que tel qui donne l'envie d'aller à la rencontre
d'autres pays et d'autres cultures.

Le voyage de Maxime Du Camp.

I

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, cœurs légers, semblables Heureux qui comme Ulysse.
aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !

II

Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !

Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : “ Ouvre l'oeil ! “
Une voix de la hune, ardente et folle, crie.
” Amour… gloire… bonheur ! ” Enfer ! c'est un écueil !

Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.

Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?

Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son œil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.

III

Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.

Dites, qu'avez-vous vu ?

IV

“ Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos cœurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.

Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !

- La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !

Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin !

Nous avons salué des idoles à trompe ;
Des trônes constellés de joyaux lumineux ;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;

” Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse. “

V

Et puis, et puis encore ?

VI

” Ô cerveaux enfantins !
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché

La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;

Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;

Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;

L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
“ Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! “

Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin. “

VII

Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !

Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,

Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.

Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,

Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le cœur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : ” Par ici ! vous qui voulez manger

Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre cœur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? “

A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
” Pour rafraîchir ton cœur nage vers ton Electre ! “
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.

VIII

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

"Para viajar, basta existir" :
Fernando Pessoa a écrit la plupart de ses poèmes sur le voyage,
parce qu'il a vécu une longue période au Portugal et il a écrit sur
la condition « de l'étranger ».\\

Fernando Pessoa :
Viajar? Para viajar basta existir. Vou de dia para dia, como de estação para estação,
no comboio do meu corpo, ou do meu destino, debruçado sobre as ruas e as praças,
sobre os gestos e os rostos, sempre iguais e sempre diferentes, como, afinal, as paisagens são.

Se imagino, vejo. Que mais faço eu se viajo? Só a fraqueza extrema da imaginação justifica que se tenha que deslocar para sentir.

“Qualquer estrada, esta mesma estrada de Entepfuhl, te levará até ao fim do mundo”.
Mas o fim do mundo, desde que o mundo se consumou dando-lhe a volta, é o mesmo Entepfuhl de onde se partiu. Na realidade, o fim do mundo, como o principio, é o nosso conceito do mundo.
É em nós que as paisagens tem paisagem. Por isso, se as imagino, as crio; se as crio, são; se são, vejo-as como ás outras. Para que viajar? Em Madrid, em Berlim, na Pérsia, na China, nos Pólos ambos, onde estaria eu senão em mim mesmo, e no tipo e gênero das minhas sensações?

A vida é o que fazemos dela. As viagens são os viajantes. O que vemos, não é o que vemos, senão o que somos.

Nous pouvons comprendre le voyage comme nous l’avons vu jusqu’ici,
c'est-à-dire non seulement de voyage, au sens propre du mot, mais
aussi de voyages intérieur car ils existent aussi en poésie. La poésie
est un genre plus complexe qui demande une culture et des clés de lecture
pour la comprendre.\\

Par exemple, si nous n’inscrivons pas Baudelaire dans notre culture on
reste dans les sentiments de tristesse. Mais il faut savoir dévoiler le
message que cache les images utilisées par le poète.

L’invitation au voyage de Baudelaire en français et en italien :\\<P> Mon enfant, ma sœur, [Mia bambina, sorella mia,]
Songe à la douceur [pensa alla dolcezza]
D’aller là-bas vivre ensemble! [d'andare a vivere laggiù insieme!]
Aimer à loisir, [Amare appagati,]
Aimer et mourir [amare e morire]
Au pays qui te ressemble! [nel paese che ti somiglia!]
Les soleils mouillés [I soli umidi]
De ces ciels brouillés [di quei cieli torbidi]
Pour mon esprit ont les charmes [hanno per il mio spirito gli incanti]
Si mystérieux [così misteriosi]
De tes traîtres yeux, [dei tuoi ingannevoli occhi]
Brillant à travers leurs larmes. [che brillano attraverso le lacrime.]

Là, tout n’est qu’ordre et beauté, [Laggiù, tutto non è che ordine e bellezza,]
Luxe, calme et volupté. [lusso, calma e voluttà.]

Des meubles luisants [Lucidi mobili,]
Polis par les ans, [levigati dagli anni,]
Décoreraient notre chambre; [ornerebbero la nostra stanza;]
Les plus rares fleurs [i fiori più rari,]
Mêlant leurs odeurs [confonderebbero i loro odori]
Aux vagues senteurs de l’ambre, [ai vaghi sentori dell'ambra,]
Les riches plafonds, [i ricchi soffitti,]
Les miroirs profonds, [gli specchi profondi,]
La splendeur orientale, [lo splendore orientale,]
Tout y parlerait [tutto parlerebbe]
À l’âme en secret [nel segreto dell'anima]
Sa douce langue natale. [nella sua dolce lingua natia.]

Là, tout n’est qu’ordre et beauté, [Laggiù, tutto non è che ordine e bellezza,]
Luxe, calme et volupté. [lusso, calma e voluttà.]

Vois sur ces canaux [Guarda su quei canali]
Dormir ces vaisseaux [dormire quei vascelli]
Dont l’humeur est vagabonde; [dall'indole vagabonda:]
C’est pour assouvir [è per appagare]
Ton moindre désir [ogni tuo desiderio]
Qu’ils viennent du bout du monde. [che vengono dai confini del mondo.]
Les soleils couchants [I soli al tramonto]
Revêtent les champs, [vestono i campi,]
Les canaux, la ville entière, [i canali, la città intera,]
D’hyacinthe et d’or; [di giacinto e d'oro;]
Le monde s’endort [il mondo s'addormenta]
Dans une chaude lumière [in una calda luce.]

Là, tout n’est qu’ordre et beauté, [Laggiù, tutto non è che ordine e bellezza,]
Luxe, calme et volupté. [lusso, calma e voluttà.]
Correspondances de Baudelaire
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

Enfin, le voyage n'est pas toujours heureux, et l'illusion d'avant
le départ est parfois déçue. C’est cette désillusion qui a inspiré du
Bellay. Il a réalisé un recueil de sonnets intitulé les regrets, après
son voyage à Rome. Il fait part de sa nostalgie de la France et de son
dégout de l'Italie. Le sonnet heureux qui comme Ulysse, reflète bien
cette désillusion et cette nostalgie.

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage de Joachim du Bellay :
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.