Le créolisme

Introduction

Le créole de base portugaise existe dans quatre pays d'Afrique lusophone : La Guinée Bissau, les îles du Cap Vert et de Sao Tomé et Principe. Cependant, on recense plus de 14 créoles de base portugaise à travers le monde. On peut constater que dans ces trois pays suite à l’indépendance la langue portugaise a été choisie par les autorités comme langue officielle afin d’unifier le pays. L’éducation, les informations, l’administration se déroule en portugais. Néanmoins on constate que les actions courantes de la vie quotidienne se déroulent en créole, langue vernaculaire et maternelle de la majorité de la population. Nous verrons dans une première partie la formation du créole pour ensuite étudier le cas particulier du créole capverdien, et enfin aborder le sujet de la littérature créole africaine.

I- la formation du créole

Lorraine

Le créole – “o crioulo” en portugais – est apparu entre le XVIème et le XIXème siècle.(1) Il s'est créé pour remédier à l'impossibilité d'un groupe de personnes – en l'occurrence les esclaves africains – de communiquer entre eux. En effet lors de la colonisation, et surtout de la traite négrière, les esclaves importés pour travailler sur les plantations proviennent de différentes origines et parlent par conséquent des langues totalement différentes. N'ayant pas le droit de parler la langue du colonisateur – langue considérée comme celle du « civilisé » elle n'est donc pas enseignée aux esclaves, voire interdite - les africains ont créé à partir des dialectes et de la langue du colonisateur une nouvelle langue, le créole, qui est donc une construction à partir de la langue du colonisateur qui est en quelque sorte le dénominateur commun entre les différentes ethnies.

Le créole ne doit pas être confondue avec le pidgin, qui est une langue essentiellement commerciale, alors que le créole est considérée comme langue véhiculaire. De plus, une fois constituée, elle est devenue rapidement la langue maternelle de toute une population et par conséquent, de ce même fait, son symbole et une constituante de son identité.

Deux types de créoles se sont formés sur la côte sous l'égide de la langue portugaise : le créole de la Haute-Guinée ( Cap Vert, Guinée Bissau et Casamance ) et le créole du Golfe guinéen (São-Tomé et Principe et Ano Bom):

  • Le créole de la Haute-Guinée :

O kriolu ou kauberdianu est le créole parlé au Cap-Vert. Il fut créé à Santiago et Fogo, qui furent les premières îles colonisées. Il a deux variantes : la première de Barlavento et la seconde de Sotavento.
O kriol est apparu au XVIème siècle dans la région des fleuves de Guinée, et du fleuve Senegal Sierra Leone dans les lieux qui servaient d'entrepôt commercial : Cacheu, Ziguinchor, Geba et Farim. (Le créole de Zinguinchor, en Casamance, est une variante de celui de Cacheu mais avec des caractéristiques propres grammaticales et lexicales.)

  • Le créole du golfe guinéen :

le Forro ou Santomense est créé à São-Tomé lors de la première occupation de ces îles par les colons et les esclaves. Ensuite il s'est propagé en même temps que ces locuteurs sur les deux autres îles : Principe et Ano Bom. Ainsi des variantes se sont construites à partir de ce premier créole pour devenir respectivement O Principense ou Lunguyê ( qui vient de « lingua da ilha = la langue de l'île » ) et Anobonês ou Fa d'Ambô ( qui vient de « Falar de Ano Bom = le parler de Ano Bom).
A São Tome existe un autre créole : l'Angolar. Il provient des esclaves qui ont fui et formé une nouvelle communauté réfugiée. L'Angolar et le Santomense présente de grandes similitudes, notamment de syntaxe ce qui suggère une base commune. De même, le Principense et le Forro sont semblables en certains points de par leur naissance du même créole, le premier Santomense mais aussi parce que face au portugais les mêmes langues africaines – bantoues et kwa - ont constituées ce créole.
On sait aussi que avant la colonisation, lors de la création des comptoirs commercial entre les marins portugais et les royaumes africains, certains créoles étaient déjà parlés : par exemple, au Nigéria, dans l'ancien Royaume du Bénin, la guilde iwebo c'est à dire celle des marchands parlait le portugais mais aussi une langue secrète dérivée du portugais afin de pouvoir traiter les affaires en toute sécurité.(2)

(1) http://htl.linguist.univ-paris-diderot.fr/biennale/et06/texte%20intervenant/pdf/kihm_veronique_1.pdf
(2) http://cvc.instituto-camoes.pt/hlp/geografia/crioulosdebaseport.html

II- Le cas particulier du créole Cap-verdien (Utilisation et sentiment post-colonial)

Gracias

Le Portugais comme bien d'autres langues occidentales a eu une histoire assez paradoxale dans les zones colonisées. Cette langue est présente dans cinq territoires du continent africain; qui sont : l'Angola, le Mozambique, la Guinée Bissau, le Cap Vert et le Sao Tomé & Principe.

Dans notre étude, nous axerons de ce fait, sur un cas particulier qui est celui du Cap-vert, où le rapport population créole semble être le plus effectif. Ainsi, de ce pays d'Afrique, environ un million de la population parle créole, dont plus d'un tiers résiderait dans le pays même. Le créole cap-verdien est dans sa formation le résultat de la rencontre de la langue du colonisateur avec plusieurs groupes ethniques et linguistiques en provenance de la côté occidentale africaine. Parmi, ces langues le mandingue était le plus répandue. La formation de cette langue a suscité plusieurs polémiques, pour tout simplifier nous pouvons donc dire que la rencontre portugais et langue africaine a produit une langue créole à base de grammaire africaine et de lexique portugais. Malgré son histoire qui n'en fini pas de faire couler de l'encre, l'utilisation même de cette langue suscite de diverses acceptations au sein des usagers de cette langue.

Il n'est pas rare dans cette optique, de voir des analystes sur ce sujet qui voient le créole comme une langue ayant des assises conséquentes pouvant même remplacer le portugais dans les sphères les plus importantes de la société, pour cette frange donc, le créole n'est pas à relayer au second plan, car il ne serait pas la résultante d'une incapacité de certains à parler convenablement le portugais (1). Mais à côté de cette frange, se trouve une autre frange d'analystes, pour qui le créole est une langue informelle dont l'utilisation serait favorable pour les relations de familles et les relations amicales, mais surtout pas à user dans les hautes sphères de la société, notamment l'éducation et l'administration, il n'est pas peu évident de voir cette dichotomie d'acception prendre ses origines à l'ère colonial. En effet, durant cette période coloniale le portugais comme langue est différencié du créole qui serait un dialecte, sinon un portugais déformé, qui prend ses origines dans l'incapacité des colonisés à parler convenablement le portugais de leur colonisateur. Au delà de la simple différenciation des deux langues, y est visée une stratégie pour le colonisateur, de faire émerger une population de classe moyenne (celle qui parle portugais) qui se différencierait de l'autre part de population, dans cet empire colonial dont le colonisateur envisageait créer.

Bien que la tendance de ramener le créole à une langue de seconde zone demeure présente dans les idées au sein de la vieille élite cap-verdienne, il n'est pas peu évident que les mentalités de nos jours ont largement évolué dans le sens du créole comme langue. Malgré, cette volonté d'une partie de la population de casser avec le portugais comme langue officielle, il n'en demeure pas surprenant que même l'élite politique post coloniale, continue de faire usage du portugais comme langue officielle.

Cependant, dans la pratique pendant que le portugais, est utilisé comme langue officielle, dans les administrations, les écoles, la littérature, etc., e créole reste encore d'une utilisation très timide, celui-ci est de ce fait utilisé pour les traditions orales, et les rapports de base au sein des familles. Ce qui a amené Manuel VEIGA(2) à pointer du doigt cette différence de statut à l'égard des deux langues. Pendant que l'une semble favoriser, l'autre est de plus en plus placée dans les armoires. Or, selon l'utilisation du portugais à l'école serait une facteur rédhibitoire à la réussite de certains élèves dont la pratique du créole est très acerbe dans leurs vies de tous les jours. Ce qui serait plus bénéfique aux familles riches qui ont cette facilité de la langue portugaise. Après cette analyse, il aurait même proposé de mettre en place des structures diverses dans un but de promouvoir le créole à un large nombre de la population. Il en ressort qu'à mesure que le pays s'affirme en politique et en économie , la recherche d'une identité cap-verdienne se fait sentir de manière très apparente. Bien que la disparité entre pro-créole et pro-portugais soit effective, les divergences autour de cette thèse vont bon train.

(1) http://www.udc.es/dep/lx/acblpe/comunicaciones/Batalha.htm
(2) http://globalvoicesonline.org/2011/05/19/cape-verde-creole-and-portuguese-languages-an-unofficial-pair/
http://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/hispania--11/html/025dc2b8-82b2-11df-acc7-002185ce6064_51.html

III- Le créole dans la littérature africaine

Clarisse

Quand on parle de la littérature africaine, en général, on fait toujours référence à la littérature écrite en langue portugaise. Toutefois, il se trouve que certains pays des PALOPs – les PALOPs (Pays Africains de Langue Officielle Portugaises) qui rappelons le, sont l'Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique et Sao-Tomé et Principe – tels que le Cap-Vert, la Guinée-Bissau ou encore Sao-Tomé et Principe utilisent une langue commune dans la littérature pour marquer et affirmer leur identité : le créole.

La langue créole se manifeste beaucoup dans la littérature orale tels que les poésies, les proverbes, les chansons, les contes et autres.
Au Cap-Vert, il est souvent utilisé dans la poésie. Les Cap-Verdiens, étant bilingues (portugais et créole), pour eux l’usage du créole dans la littérature est source d’expression, de lyrisme. C’est une façon de revendiquer leur identité et leur histoire car pendant longtemps le créole fut dénigré et méprisé. D'ailleurs, le peuple s'est toujours posé la question de savoir si le créole trouverait sa place dans la littérature cap-verdienne. La réponse fut apportée à travers les premiers poèmes du pays: Crioulo do fogo, l'un des poèmes de Pedro Cardoso (poète, journaliste et folkloriste cap-verdien) et Mornas - Cantigas crioulas (1932) d'Eugène Tavares (un écrivain et chercheur né au Sénégal, de père cap-verdien et de mère bissau-guinéenne).
Exemple supplémentaire, la Guinée-Bissau ! «La première fable créole a été publié dans le journal à feuilleton A Fraternidade, Guinée et Cap-Vert, en 1883, par Marcelino Marques de Barros, qui divulgua aussi Storia d’un Fiju starbaganti dans une Revue portugaise (1897/1899), en édition bilingue guinéenne - cap-verdienne. Tris golás (Os três gulosos, en portugais) fut aussi publié dans cette Revue avec une traduction portugaise.»(1) Les premiers poèmes écrits en créole apparurent durant le XXème siècle, vers les années 70. À travers les poèmes créoles, les poètes dénonçaient la situation désastreuse du pays guinéen provoquée notamment par la révolte des années post-indépendantistes, la misère, la faim et les questions familiales. De plus, l’ensemble des œuvres littéraires publiées en Guinée-Bissau en 1993, comprennent des textes ou des expressions créoles. Une façon pour les auteurs de marquer leur appartenance « guinéenne ». Le livre Kebur : Barkafon di poesia na Kriol (1996) qui est un ensemble de poème, fut une fierté pour le peuple et le pays et apprécié par le public.(2)
Quant à Sao-Tomé et Principe, nous savons que la langue créole existe cependant il semble très difficile de recueillir des informations concernant l'usage du créole dans la littérature santoméenne. Il semblerait qu'à Sao-Tomé environ six créoles différents subsistent et sur l'île de Principe, un créole appelé le “lungwiye ”(langue des îles). Ne trouvant aucune information en lien direct concernant la place du créole dans la littérature santoméenne, nous pouvons émettre des hypothèses telles que la production littéraire créolophone est soit inexistante, soit peu diffusée. Dans les deux cas, cela est fort dommage pour le pays et pour le public.

L'intégration du créole est un pas en avant dans la nouvelle littérature. Les littéraires se font connaître à travers le monde grâce à leur persévérance, leur fierté de publier leur identité, leur ténacité et l'espoir qu'un jour le créole soit reconnu comme seconde langue officielle.

(1) http://abecs.dominiotemporario.com/ojs/index.php/papia/article/viewFile/64/55
(2)https://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:69bvfT07BBcJ:www.didinho.org/O%2520crioulo%2520guineense%2520e%2520a%2520oratura.pdf+literatura+africana+crioulo&hl=fr&gl=fr&pid=bl&srcid=ADGEESgbUWJZXjeksp6--7q-9MYm4QNnavCisVi0zZQ6niqN1_olXyMbczocE7rQ4iZ4tRvYL-TakIUMh4cu_ftLdDJ4iHxVo3RTEMChUXTl_cyunJOIlfl7AuQwFkUPxG5foZyDsh-g&sig=AHIEtbRArpgEH7Wy6DMSbbBGvy33ZXkIag

Conclusion

La langue “passe-partout” et dominante reste la langue du colonisateur : le portugais. Toutefois, le créole tente de trouver sa place. Aujourd’hui, il est question de trouver des politiques permettant au créole de ne plus être utilisé uniquement comme langue familiale ou encore commerciale, mais utile dans tous les domaines sociaux tel que l’administration, la politique, l’éducation, etc. Cette éventualité est encore discutée dans les pays créolophones (Cap-Vert, Guinée-Bissau, Sao-Tomé et Principe).

Tout au long de notre développement sur le créole dans les pays africains de langue portugaise, il en découle que, le créole dans ces pays apparaît comme la résultante d'une part d'un système politique, dans le cas d'espèce qui serait la colonisation, et d'autre part d'un choc de langues c'est-à-dire des langues autochtones et de la langue du colonisateur (portugais). Il faut par ailleurs signifier que cette situation n'est pas unique en Afrique, car les pays de langues anglophones ont développé une pratique linguistique qui s'apparenterait au créole. Bref.

En effet, les débats identitaires dans ces pays, ce qui est par exemple le cas du Cap-vert pose une réelle nécessité de la reconnaissance du créole comme une langue d'envergure nationale au même titre que le portugais voire portant au delà même de la langue portugaise. A l'heure de la mondialisation acerbe certains pays africains nourrissent cette envie de développer une identité authentique, qui dans un sens semble être comme une révolte contre les valeurs d'emprunt, que certains n'hésitent pas d'appeler à voix vive valeurs de soumission. Sur ce point, il est aussi nécessaire de signifier que des contradictions virulentes prennent place dans ces Etats, entre une part de la population se sentant largement à l'aise avec la langue du colonisateur (portugais), qui sans cesse donc revendique la pérennisation de celle-ci dans les administrations à titre officiel, et d'autre, la part de la population refusant de continuer d'utiliser cette langue. Quoique, ce sujet soit un grand sujet à polémique, il conviendrait par ailleurs aux autorités de cette partie d'Afrique, en vue d'éviter un clash social d'organiser des séminaires conséquents avec les opinions de tout bord afin de trouver une solution conciliatrice pouvant liguer les deux parts de la population.

Aussi au moment où de grandes mutations économiques, politiques et bien d'autres se profilent à l'échelle internationale, les pays d'Afrique de langue portugaise en particulier, et les pays d'Afrique en général, se doivent de redynamiser leurs énergies autour des thématiques de base pouvant les aider à mieux se placer dans le concert des nations. Or, il paraît largement clair que pour mener des combats à l'international, les divisions internes se doivent à priori d'être maitriser. Une question taraude dés lors l'esprit, la question de la langue est-elle une question cruciale pour relever la pente de l'éducation qui serait la clé du succès? Si oui – Et qu'il est prouvé dans cette partie du monde que l'échec scolaire est en partie dû à la langue qui serait mal comprise par une bonne partie de la population, alors il est impérieux de reformer l'éducation et d'adapter la langue la mieux afin de booster l'éducation. - Par contre si la langue n'est pas une cause rédhibitoire dans l'émancipation scolaire des générations à venir, il serait mieux pour les pouvoir politiques d'axer dès lors cette énergie aux enjeux avant-gardistes, tels que la technologie, la science, et bien d'autres dans ce sens.